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Les abeilles dans le coffre

2022-2023

FR

À la cérémonie je n’ai pas pleuré.
Je regardais les fleurs sur le cercueil.

Ce qui me reste c’est l’odeur de la cigarette.

Ce qui me reste c’est les bottes de pluie à pois

que je portais le jour de l’enterrement.

Le 20 mai 2013, Alain meurt d’un arrêt cardiaque accompagné de plus de 10 000 abeilles dans le coffre de sa voiture. Précédé par certains puis succédé par d’autres, les noms s’alignent, avec la frustration d’avoir été séparé trop tôt. Les abeilles dans le coffre est une histoire de pertes qui questionne le rapport à la mort et aux souvenirs qui y sont reliés. Sans prétendre à une réponse, un récit hybride et brouillé est mis en place. Entre performance et mise en scène ; images et vidéo dialoguent, traversées par des paroles écrites ou dites. En intervalle, la fragilité protectrice du papier de soie souffle sur des souvenirs inévitablement touchés par le passage du temps. Alors je m’approprie des bribes de souvenirs qui ne sont pas miennes, pour créer ce lien entre des événements traumatiques personnels et les réalités qui m’entourent. Les abeilles dans le coffre est une balade visuelle et sensorielle associant les images instinctivement ; un méli-mélo mémoriel qui traite d’une douleur commune bien trop souvent mise sous silence.

EN

I didn't cry at the ceremony.

I just looked at the flowers on the coffin.

 

What I remember is the smell of cigarettes.

What I remember is the polka-dot rain boots

I wore the day of the funeral.

 

On May 20, 2013, Alain died of cardiac arrest, accompanied by over 10,000 bees in the boot of his car. Preceded by some, then succeeded by others, the names line up, with the frustration of having been parted too soon. Bees in the Trunk is a story of loss that questions our relationship with death and the memories associated with it. Without claiming to have an answer, a hybrid, scrambled narrative is set in motion. Somewhere between performance and staging, images and video engage in dialogue, interspersed with spoken and written words. In between, the protective fragility of tissue paper blows over memories inevitably affected by the passage of time. So I appropriate snippets of memories that are not my own, to create a link between personal traumatic events and the realities that surround me. 

Les abeilles dans le coffre is a visual and sensory stroll that instinctively associates images; a memory mishmash that deals with a common pain that is all too often silenced.

​​

On entre subtilement dans la sphère intime et secrète de ce qui hante avec Nella Stücker, car Les abeilles dans le coffre, opère une plongée énigmatique dans les méandres du deuil.

 

Une image, qui dit tout l’inouï de l’instant où la vie s’achève, celle des 10 000 abeilles qui accompagnaient son oncle lors de son décès soudain il y a dix ans. 

 

Ce qui taraude s’incarne, se fixe sur l’imaginaire de la rétine … 

 

Au-delà de ce deuil, c’est le séisme qu’implique l’apprentissage de l’absence pour les vivants qu’elle appréhende de manière globale ; elle l’apprivoise tout d’abord en masquant par des appositions de papier de soie blanc des images tirée de son album de famille. Montrer l’élision, la perte, celle des êtres, celle du vide induit par les souvenirs qui s’étiolent avec le temps. 

 

Puis elle compose aussi un livre, où ces images d’archive entrent en dialogue avec les siennes ;  d’étranges actions qui semblent rituelles en lieux désertés, de textes mémoriels en objets chargés, elle tisse les indices d’un conte elliptique, dessinant les territoires flous et poreux du deuil. 

 

C’est en somme comme si elle tentait de circonscrire comment vivre avec la mort. 

 

Elle prolonge sa quête à travers une vidéo performative et convoque les histoires des autres dans un récit choral.

 

Sur le fil de souvenirs entremêlés 

Une ficelle tisse une toile comme un ancrage autour de ses doigts 

Face à l’évanescence de l’absence, un rituel se fait ancrage 

 

Nella Stücker parle de nos vies oblitérées, altérées par les arrachements, tout en redisant la force inaltérable des souvenirs, des images, pour que jamais le silence ne s’installe. 

 

On pourrait y lire les signes d’une révolte contre l’oubli, une volonté farouche de dire les liens qui perdurent par la pensée et d’explorer de mille et une manières comment transcender le passage du temps… sans doute une part existentielle de toute approche de photographe… comme de révéler ce que l’on voudrait dissimuler, aussi. 

 

Des vols d’oiseaux au passage des abeilles, vous nous reparlez Nella des heures de mutations si sombres pour nous rappeler à quel point elles sont consubstantielles de notre existence.

Texte par Léonore Veya, 30 juin 2023, vernissage de l'exposition de diplôme Piece of Cake

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